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s’était plus ou moins emparé de nous tous, hormis un seul, l’indomptable Nasias, enfin je ne sais quel sauvage enthousiasme du péril bravé et vaincu nous rendirent presque insensibles à la perte de nos malheureux compagnons.

Mouillés, brisés, trop fatigués pour sentir la faim, nous nous jetâmes sur le rivage sombre sans nous demander si nous étions sur un écueil ou sur la terre ferme, et nous passâmes ainsi plus d’une heure sans nous parler, sans dormir, sans penser à rien, riant par moments d’une manière stupide, puis retombant dans un farouche silence au bord de la vague furieuse qui nous couvrait de sable et d’écume.

Nasias avait disparu, et seul j’avais remarqué son absence ; mais tout à coup la mer s’éclaira de feux étincelants, et nous vîmes se former au zénith la splendide couronne boréale ; nous étions inondés et comme enveloppés de son immense irradiation.

― Debout ! s’écria la voix de Nasias au-dessus de nos têtes. Ici ! ici ! Venez, montez, le gîte et le festin vous attendent !