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sombre, brisait à nos pieds, sur d’âpres rochers volcaniques, avec un bruit formidable. Jamais musique de Mozart ou de Rossini ne fut plus douce à mon oreille, tant le morne silence et la solennelle fixité des glaces avaient exaspéré en moi le besoin de la vie extérieure. Nos Esquimaux, ivres de joie, dressaient les tentes et préparaient les engins de pêche et de chasse. Des nuées d’oiseaux de toute taille remplissaient le ciel rose, et on voyait les baleines innombrables s’ébattre dans les flots tièdes de la mer polaire.

D’autres l’avaient signalée et consacrée avant nous, cette mer longtemps problématique ; mais, presque seuls, à bout de forces et pressés de revenir sur leurs pas pour ne pas succomber aux fatigues et aux périls du retour, ils n’avaient fait que la saluer et l’entrevoir. Nous arrivions à cette limite du monde connu tous en bonne santé, riches de munitions, n’ayant perdu aucun de nos chiens, rien endommagé de notre précieux matériel. C’était un concours de chances tellement inouï, que les Esquimaux regardaient de plus en plus mon