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ne sais si nous étions rentrés dans la brume, si la lumière polaire s’était éclipsée ou si notre fanal s’était éteint.

Nous courions comme au hasard dans les ténèbres, et je me sentais glacé d’épouvante. Je ne voyais rien devant moi, rien derrière ; je ne distinguais même pas mes chiens, et le bruit léger du sillage de mon propre traîneau ne parvenait pas jusqu’à moi. Par moments je m’imaginais que j’étais mort et que mon pauvre moi, privé de ses organes, était emporté vers un autre monde par le seul élan de sa mystérieuse virtualité.

Nous avancions toujours. L’obscurité se dissipa, et la lune ou quelque astre éclatant de blancheur que je pris pour la lune vint me montrer que nous étions engagés dans un tunnel de glace de quelques lieues de long. De temps en temps, une fissure dans la voûte ou une rupture dans les parois me permettait de discerner l’immensité ou l’étroitesse de ce passage sous-glacial ; puis tout disparaissait, et, pendant un temps plus ou moins long, qui parfois me sembla durer plus d’une