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allons, tout va bien. J’entends les chants délicieux de nos nouveaux compagnons de voyage. Ils seront ici dans un instant. Allons les recevoir.

Je le suivis sur le pont désert, où régnait un profond silence, et, en prêtant l’oreille, je distinguai dans l’éloignement la plus étrange et la plus horrible clameur. C’était un immense glapissement de voix aiguës, plaintives, sinistres, grotesques, et à chaque instant le sabbat s’approchait, comme porté par une rafale. Pourtant l’air était calme, et la brume compacte n’était déchirée par aucun souffle de vent. Bientôt, la bacchanale invisible fut si près de nous, que mon cœur se serra d’effroi ; il me sembla qu’une bande de loups affamés allait nous assiéger.

Je questionnai mon oncle, qui me répondit tranquillement :

― Ce sont nos guides, nos amis et leurs bêtes de trait, créatures intelligentes, robustes et fidèles, que je n’ai pas voulu entasser à bord, et qui viennent nous rejoindre conformément à la convention faite dans le sud du Groënland.