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et si railleuse, que je me sentis effrayé de cette offre dont je ne comprenais pas le sens et que je ne désirais pas me faire expliquer. Je secouai ma torpeur et fis bonne contenance jusqu’au cap Jackson, où nous arrivâmes non sans fatigue, mais sans obstacle, à la mi-août, par- delà le 80e degré de latitude, et où Nasias décréta notre hivernage dans la baie de Wrigt, vers l’extrême nord du Groënland. Il nous restait bien peu de temps pour nous préparer à cette rude et périlleuse station. Les jours diminuaient d’une manière rapide, et j’ignore comment, à cette changeante limite des mers navigables, nous avions pu parvenir si tard sans être bloqués ; tant il y a que nous touchions à la ligne de la glace fixe, et qu’à peine entrés dans la baie, nous fûmes saisis comme par l’immobilité du sépulcre.

Notre équipage, composé de trente hommes, ne fit entendre aucun murmure. Outre que Nasias était pour eux l’objet d’une foi presque superstitieuse, le Tantale (c’était le nom du navire) était si bien approvisionné, si riche, si commode et si