Page:Sand - Laura - Voyages et impressions.djvu/108

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un état singulier de fatigue intellectuelle et physique, et je me trouvais toujours étendu sur mon lit dans ma cabine, sortant d’un profond sommeil dont il m’était impossible de déterminer la durée et de me retracer les songes fugitifs. J’aurais pu soupçonner mon oncle de mêler à ma boisson quelque drogue mystérieuse qui mettait ma volonté et ma raison en son pouvoir de la manière la plus absolue ; mais je n’avais pas même l’énergie du soupçon. La disposition de confiance et de crédulité enfantine où je me trouvais avait son charme inexprimable, et je ne désirais pas m’y soustraire. En outre, j’étais, comme le reste de l’équipage et comme son chef, plein de santé, de bien- être, de courage et d’espérance.

Voilà tout ce que je puis dire de moi jusqu’au moment où mes souvenirs prennent de la netteté, et ce moment arriva lorsque notre brick franchit les colonnes d’Hercule du Nord, situées, comme chacun sait, à l’entrée du détroit de Smith, entre les caps Isabelle et Alexandre.

Malgré la fréquence et l’intensité des tempêtes