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la ville noire.

et je ne revenais à moi qu’après avoir versé beaucoup de larmes très-amères.

« Cependant mes affaires allaient de mal en pis.

« Je les négligeais chaque jour davantage. M’en occuper me navrait d’ennui et de dégoût. Je n’avais de répit qu’en les oubliant pour rêver encore au salut du genre humain.

« Qu’importe que je sois perdu, qu’importe que je succombe ? Si je laisse après moi le secret de rendre les autres heureux, j’ai bien de quoi me consoler : voilà ce que je me disais, mais je ne trouvais le secret du bonheur ni pour moi ni pour les autres.

« Quand je vis mon pauvre bien près d’être saisi et ma personne à la veille d’être décrétée de prise de corps, j’ouvris enfin les yeux sur la réalité, et je reconnus que le bourgeois charitable et raisonnable qui m’avait averti m’avait trop bien jugé. J’allai lui demander de me sauver par sa signature, mais il était trop tard ; il avait été blessé de mon impertinence, et il pensait d’ailleurs que me laisser mon instrument de travail, c’était me laisser mes illusions.