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la ville noire.

je dépeignais même avec éloquence les malheurs et les souffrances de l’artisan ; mais quand il fallait arriver à fournir le remède que je m’étais vanté d’avoir, mes pensées se troublaient et se confondaient dans ma pauvre tête, et je ne réussissais pas à les débrouiller. Sans doute il était trop tard, j’avais déjà trop souffert pour mon compte.

« Mon ami, me répondit celui que je consultais, tout ce que vous avez rêvé confusément a été examiné, écrit, publié, proposé et discuté par de plus habiles que vous. On n’a pas encore résolu le problème de la misère d’une manière promptement applicable, et on y travaille toujours. C’est une bonne chose d’y travailler ; mais, comme c’est la chose la plus difficile qui soit au monde, il faut, pour y travailler utilement, beaucoup de génie et d’instruction. Je ne doute pas de vos capacités naturelles, mais vous ne savez rien de ce qui se passe à dix lieues de votre Ville Noire, et vous ne vous faites aucune idée de la société. Vous perdez votre temps, et vous vous épuisez le cerveau sans profit pour personne. Vous feriez mieux de songer à gagner