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la ville noire.

« Je restai donc seul et triste pendant plusieurs années, travaillant pour me distraire de mes regrets, et ne dépensant rien, parce que j’avais le cœur trop brisé pour entendre rire et chanter. Il en résulta que l’argent s’amassa de lui-même, et quand j’en eus un peu devant moi, un jour que je me sentais plus abattu que de coutume, j’eus l’idée de faire comme ton parrain a fait plus tard, c’est-à-dire d’adopter un orphelin pour donner à quelqu’un le bonheur dont je ne pouvais plus jouir pour mon compte.

« Cette idée-là me conduisit à réfléchir à la misère de l’artisan en général, car, en cherchant dans la ville l’enfant le plus digne de ma pitié, j’en vis tant (et peut-être encore plus parmi ceux qui ont père et mère que parmi ceux dont la charité publique se préoccupe), que j’aurais voulu pouvoir les adopter tous. Alors je changeai de projet et j’imaginai de trouver le remède à la misère.

« C’est là un grand souci, et qui ne me laissa plus un moment de repos. Je pensai d’abord à l’association, dont nous pratiquons une ébauche dans nos