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la ville noire.

exploité mon talent jusqu’à ce jour. Je serai le roi de cette solitude, nul autre que moi ne vaincra ce torrent et ne bravera ses colères, nul autre bruit que celui de mon travail ne luttera contre son bruit. Je planterai là ma tente pour deux ou trois ans tout au plus. J’y aurai quelques livres, et, les voyages aidant, j’étudierai à fond ma partie. Je sortirai de là plus malin que ceux qui se vantent de tout savoir sans avoir rien vu et rien lu. Alors peut-être cette fière Tonine regrettera-t-elle de m’avoir laissé quitter la Ville Noire sans m’avouer sa peine et sans faire un effort pour me retenir.

Le propriétaire de la baraque était un certain Audebert, que Sept-Épées connaissait fort peu, et qui passait pour une pauvre cervelle d’homme. Il l’avait vu quelquefois, et s’en était éloigné comme d’un bavard, outrecuidant bonhomme, qui faisait hausser les épaules aux gens sérieux et positifs. Il y avait longtemps qu’on ne l’avait vu à la Ville Noire ; il avait fait beaucoup d’allées et de venues aux environs pour tâcher de relever ses affaires, et n’avait inspiré de confiance à personne. En ce moment, on