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la ville noire.

distinguée, plus instruite, et ne laissant personne approcher d’elle. Je me suis figuré qu’elle était la plus jolie de nos ouvrières, et de fait elle est la plus élégante, la plus soignée de sa personne, et vous-même l’avez surnommée la princesse. J’ai donc été poussé par une ambition de plaire à celle qui se gardait si bien et se tenait si haut dans son idée, je croyais que ça m’aurait grandi dans la mienne.

Elle m’a renvoyé devant ses parents, ce qui m’a dépité. Il me semblait qu’avant de s’engager, il fallait se connaître davantage. J’ai donc cessé de lui parler, et un mois s’est passé comme cela. Je croyais qu’elle en serait étonnée, et qu’elle me ferait quelque avance ou quelque reproche ; mais il n’a point paru qu’elle se souvînt de mes paroles : elle était toujours la même, aussi tranquille et aussi indifférente. C’est moi qui me dépitais encore plus, sans qu’elle me fît l’honneur de s’en apercevoir. Alors j’ai parlé derechef, et pour la première fois je l’ai vue rire. Elle se moquait de moi. — Il faut, me répondit-elle, que mon cousin et ma cousine n’approuvent guère l’idée que vous avez pour