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la ville noire.

et ne voyait que des gens sans mœurs et sans tenue. Ni Suzanne ni Tonine n’avaient donc eu l’occasion de se former en pareille compagnie. Suzanne, vaniteuse et parée, était restée assez commune. Tonine était restée tranquille, propre et décente comme une enfant naturellement sage et fière qu’elle était. Cependant, comme elle avait du goût, elle avouait naïvement que si elle n’eût détesté les dons de son beau-frère, elle eût aimé la toilette, et de ses fréquentes promenades à la ville haute, elle avait conservé, par souvenir, le sentiment d’une certaine élégance ; sa pauvre petite robe était coupée par elle d’une façon plus gracieuse que celle des autres, et on n’y voyait jamais un trou ni une tache. N’allant jamais aux fêtes, même après que son deuil fut fini, ne se livrant point aux jeux échevelés avec ses compagnes, ne permettant à aucun garçon de déranger un pli sur elle, on eût dit, à la voir, qu’elle était d’une autre condition que ses pareilles, et pourtant elle sut si bien s’en faire aimer, que toutes s’efforçaient de lui plaire, et quelques-unes de lui ressembler.