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ont passé vite, mais ils ont été assez remplis pour t’instruire. Les labeurs de ton apprentissage et les premiers essais de ta force, les illusions de ton esprit et les élans de ton cœur t’ont déjà enseigné ce que l’enfant doit souffrir pour devenir un homme, ce que l’homme doit comprendre pour devenir un sage. Souviens-toi !

« Souviens-toi du jour où le mugissement des eaux, les craquements du bois et le grincement du métal t’arrêtèrent, éperdu de crainte, au seuil de l’usine. Ton ancien t’encourageait et te montrait en souriant les petits oiseaux essayant leur premier vol autour des nids suspendus à ces toits ébranlés par les furies du travail. Et toi, tu as souri à ton tour, ne voulant pas être moins brave que les petits du passereau et de l’hirondelle. Souviens-toi !

« Souviens-toi du premier coup que, vacillant sous ta main débile, l’outil cruel porta dans ta pauvre chair. Ce fut ton premier cri, ton premier sang. Tu fus, ce jour-là, baptisé par la souffrance, et ton ancien te dit : — Ce n’est rien, c’est le baiser de ta nourrice ! — Et toi, tu ramassas le fer brutal en ré-