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ces miracles-là, s’il en fait ! Le cœur usé et désabusé ne se rajeunit pas comme ça ! Et vraiment, quand on y pense, ça n’est plus sa faute, s’il se trouve un peu endurci ! Il n’y peut rien lui-même : voilà ce que je me disais, moi, en voyant défunt Laurentis devenir terrible, lui qui avait été si bon ! et je me reprochais de n’avoir pas prévu tout cela le jour où il m’avait dit : « Montons une maison et tâchons de réussir ! » J’aurais dû l’en empêcher et lui répondre : « Ne montons rien du tout ; gardons notre gaieté et nos amis ! »

Ce discours philosophique de la Laurentis, débité avec l’aisance d’une femme qui aimait à parler, mais qui ne parlait pas au hasard, parce qu’elle avait du cœur, fit beaucoup d’impression sur Tonine, et Lise s’y rendit entièrement.

— Je vois que vous êtes une femme de bon conseil, dit-elle à la Laurentis, et Tonine n’a pas tort de vous écouter. Ne parlons donc plus jamais de Sept-Épées. Puisqu’il veut qu’on l’oublie, oublions-le.

— Non ! répondit Tonine. Il a été mon camarade