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la ville noire.

qu’Audebert, et que la chose, rapportée à Tonine, n’achevât de le déconsidérer dans son esprit.

Il s’était donné un mois pour aboutir. Le mois écoulé, il fut bien forcé de s’en accorder un second, et quand celui-ci fut passé sans qu’aucune certitude se fût révélée, une poignante douleur s’empara de lui. Il succombait à la fatigue, après avoir passé par toutes les alternatives de l’espérance, du doute et de la désillusion. Tout ce qu’il avait découvert, c’est qu’il ne savait rien. Il luttait avec acharnement contre la rigueur de l’hiver dans un logement détestable, au milieu d’un paysage sinistre et désolé, tantôt errant, la tête en feu, dans la neige, tantôt contemplant, avec un cœur glacé d’effroi, les vestiges mal effacés des paroles écrites au charbon par Audebert sur la muraille la nuit où cet infortuné avait été si près de se donner la mort. Ces paroles, en partie disparues, ne présentaient plus aucun sens à ceux qui ne les avaient jamais lues ; mais Sept-Épées les savait par cœur et croyait par moments les voir écrites en caractères de sang d’une épouvantable netteté.