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lui sa part d’influence. Il lui avait inspiré le mépris de la faiblesse, et lorsque, enfant, il avait eu, à la suite de quelque faute légère, le besoin de se faire pardonner, le vieillard lui avait dit, de sa voix terrible : Pas de ça ! il n’y a que les lâches qui câlinent les parents ! Ne recommencez pas à désobéir, voilà comment vous vous ferez absoudre. — Sept-Épées avait donc contracté un peu de la rigidité du vieux forgeron. Il n’avait guère connu les baisers d’une mère, et jamais le sentiment de protection tendre qu’une jeune sœur inspire. Sa mâle beauté disait tout cela pour qui savait l’étudier, et peut-être Tonine en avait-elle pénétré l’expression avec un peu de crainte.

Il avait pourtant de grands accès de sensibilité, le pauvre armurier, lorsqu’il se trouvait seul : parfois son cœur navré éclatait en sanglots ; mais il en rougissait au lieu de s’en faire un mérite. — Qu’importe que j’aie ce chagrin ? se disait-il ; je sais bien que ce n’est pas le chagrin qui fait un homme solide et méritant : c’est au contraire ce qui l’affaiblit et le rabaisse. Tonine ne m’a-t-elle pas dit qu’il fal-