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la petite fadette

pouliche qu’il menait au pré, et il ne pouvait souffrir que le moindre ouvrage fût fait sans conscience, ni qu’aucune chose pouvant vivre et fructifier, fût délaissée, négligée et comme méprisée, emmy les cadeaux du bon Dieu. Sylvinet regardait tout cela avec indifférence, et s’étonnait que son frère prît tant à cœur des choses qui ne lui étaient de rien. Il était ombrageux de tout, et disait à Landry :

— Te voilà bien épris de ces grands bœufs ; tu ne penses plus à nos petits taurins qui sont si vifs et qui étaient pourtant si doux et si mignons avec nous deux, qu’ils se laissaient lier par toi plus volontiers que par notre père. Tu ne m’as pas seulement demandé des nouvelles de notre vache qui donne du si bon lait, et qui me regarde d’un air tout triste, la pauvre bête, quand je lui porte à manger, comme si elle comprenait que je suis tout seul, et comme si elle voulait me demander où est l’autre besson.

— C’est vrai qu’elle est une bonne bête, disait Landry ; mais regarde donc celles d’ici ! tu les verras traire, et jamais de ta vie tu n’auras vu tant de lait à la fois.