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la petite fadette

point souci du temps à venir, n’ayant courage pour penser à une suite de jours comme ceux qu’il endurait. Il ne pensait qu’au temps passé, et se consumait dans une rêvasserie continuelle.

À des fois, il s’imaginait voir et entendre son besson, et il causait tout seul, croyant lui répondre. Ou bien il s’endormait là où il se trouvait, et rêvant de lui ; et quand il se réveillait, il pleurait d’être seul, ne comptant pas ses larmes et ne les retenant point, parce qu’il espérait qu’à fine force la fatigue userait et abattrait sa peine.

Une fois qu’il avait été vaguer jusqu’au droit des tailles de Champeaux, il retrouva sur le riot qui sort du bois au temps des pluies, et qui était maintenant quasiment tout asséché, un de ces petits moulins que font les enfants de chez nous avec des grobilles, et qui sont si finement agencés qu’ils tournent au courant de l’eau et restent là quelquefois bien longtemps, jusqu’à ce que d’autres enfants les cassent ou que les grandes eaux les emmènent. Celui que Sylvinet retrouva, sain et entier, était là depuis plus de deux mois, et, comme l’endroit était désert, il n’avait été vu ni endommagé par personne.