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la petite fadette

allait rêvasser tout seul dans son ouche, ne voulant point aller dans la campagne : « Parce que, pensait-il, si je venais à y rencontrer Landry, il s’imaginerait que je l’épie et me ferait bien voir que je le dérange. »

Et peu à peu son ancien chagrin, dont il s’était quasiment guéri, lui revint si lourd et si obstiné, qu’on ne tarda pas à le voir sur sa figure. Sa mère l’en reprit doucement ; mais, comme il avait honte, à dix-huit ans, d’avoir les mêmes faiblesses d’esprit qu’il avait eues à quinze, il ne voulut jamais confesser ce qui le rongeait.

Ce fut ce qui le sauva de la maladie ; car le bon Dieu n’abandonne que ceux qui s’abandonnent eux-mêmes, et celui qui a le courage de renfermer sa peine est plus fort contre elle que celui qui s’en plaint. Le pauvre besson prit comme une habitude d’être triste et pâle ; il eut, de temps en temps, un ou deux accès de fièvre et, tout en grandissant toujours un peu, il resta assez délicat et mince de sa personne. Il n’était pas bien soutenu à l’ouvrage, et ce n’était point sa faute, car il savait que le travail lui était bon ; et c’était bien assez d’ennuyer son