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la petite fadette

bien étonnée quand je fais des drogues dont elle voit ensuite le bon effet. Quant à nos bêtes, elles sont si belles qu’on est tout surpris de voir un pareil troupeau à des gens qui n’ont de pacage autre que le communal. Eh bien, ma grand’mère sait à qui elle doit des ouailles en si bonne laine et des chèvres en si bon lait. Va, elle n’a point envie que je la quitte, et je lui vaux plus gros que je ne lui coûte. Moi, j’aime ma grand’mère, encore qu’elle me rudoie et me prive beaucoup. Mais j’ai une autre raison pour ne pas la quitter, et je te la dirai si tu veux, Landry.

— Eh bien ! dis-la donc, répondit Landry qui ne se fatiguait point d’écouter la Fadette.

— C’est, dit-elle, que ma mère m’a laissé sur les bras, alors que je n’avais encore que dix ans, un pauvre enfant bien laid, aussi laid que moi, et encore plus disgracié, pour ce qu’il est éclopé de naissance, chétif, maladif, crochu, et toujours en chagrin et en malice parce qu’il est toujours en souffrance, le pauvre gars ! Et tout le monde le tracasse, le repousse et l’avilit, mon pauvre sauteriot ! Ma grand’mère le tance