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la petite fadette

point, et si tu étais assez subtil pour le manier, tu verrais qu’il ne laisse pas seulement sa marque.

« C’est encore pis, pensa Landry ; du feu qui ne brûle pas, on sait ce que c’est : ça ne peut pas venir de Dieu, car le feu du bon Dieu est fait pour chauffer et brûler. »

Mais il ne fit pas connaître sa pensée à la petite Fadette, et quand il se vit sain et sauf à la rive, il eut grande envie de la planter là et de s’ensauver à la Bessonnière. Mais il n’avait point le cœur ingrat, et il ne voulut point la quitter sans la remercier.

— Voilà la seconde fois que tu me rends service, Fanchon Fadet, lui dit-il, et je ne vaudrais rien si je ne te disais pas que je m’en souviendrai toute ma vie. J’étais là comme un fou quand tu m’as trouvé ; le follet m’avait vanné et charmé. Jamais je n’aurais passé la rivière, ou bien je n’en serais jamais sorti.

— Peut-être bien que tu l’aurais passée sans peine ni danger si tu n’étais pas si sot, répondit la Fadette ; je n’aurais jamais cru qu’un grand gars comme toi, qui est dans ses dix-sept ans, et qui ne tardera pas à avoir de la barbe au