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— Et tu n’es donc jamais de mauvaise humeur, toi ?

— Eh non ! jamais. À quoi bon ?

— Oh ! ce n’est bon à rien, certainement ; mais le moyen de s’en empêcher, quand on a des ennuis ! Dieu sait que tu n’en as pas manqué, toi, pourtant, ma pauvre petite : car tu n’as pas toujours été heureuse !

— C’est vrai, nous avons souffert, ma pauvre mère et moi. Nous avions du chagrin, mais nous ne perdions jamais courage.

— Je ne perdrais pas courage pour quelque ouvrage que ce fût, dit Germain ; mais la misère me fâcherait, car je n’ai jamais manqué de rien. Ma femme m’avait fait riche et je le suis encore ; je le serai tant que je travaillerai à la métairie : ce sera toujours, j’espère ; mais chacun doit avoir sa peine ! J’ai souffert autrement.

— Oui, vous avez perdu votre femme, et c’est grand-pitié !

— N’est-ce pas ?

— Oh ! je l’ai bien pleurée, allez, Germain ! car elle était si bonne ! Tenez, n’en parlons plus ; car je la pleurerais encore, tous mes chagrins sont en train de me revenir aujourd’hui.

— C’est vrai qu’elle t’aimait beaucoup, petite Marie ! elle faisait grand cas de toi et de ta mère. Allons ! tu pleures ! Voyons, ma fille, je ne veux pas pleurer, moi…