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trois personnes, qu’elle l’avait déclaré en partant et que, dans le pays où l’on se rendait, il n’y avait ni lit ni souper pour les marmots. Toutes ces excellentes raisons ne persuadèrent point Petit-Pierre ; il se jeta sur l’herbe, et s’y roula en criant que son petit père ne l’aimait plus et que, s’il ne l’emmenait pas, il ne rentrerait point du jour ni de la nuit à la maison.

Germain avait un cœur de père aussi tendre et aussi faible que celui d’une femme. La mort de la sienne, les soins qu’il avait été forcé de rendre seul à ses petits, aussi la pensée que ces pauvres enfants sans mère avaient besoin d’être beaucoup aimés, avaient contribué à le rendre ainsi, et il se fit en lui un si rude combat, d’autant plus qu’il rougissait de sa faiblesse et s’efforçait de cacher son malaise à la petite Marie, que la sueur lui en vint au front et que ses yeux se bordèrent de rouge, prêts à pleurer aussi. Enfin, il essaya de se mettre en colère ; mais, en se retournant vers la petite Marie, comme pour la prendre à témoin de sa fermeté d’âme, il vit que le visage de cette bonne fille était baigné de larmes et, tout son courage l’abandonnant, il lui fut impossible de retenir les siennes, bien qu’il grondât et menaçât encore.

— Vrai, vous avez le cœur trop dur, lui dit enfin la petite Marie, et, pour ma part, je ne pourrai jamais résister comme cela à un enfant qui a un si gros chagrin. Voyons, Germain, emmenez-le. Votre jument