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joué, il n’avait ri et folâtré avec aucune autre. Il avait porté fidèlement un véritable regret dans son cœur, et ce n’était pas sans crainte et sans tristesse qu’il cédait à son beau-père ; mais le beau-père avait toujours gouverné sagement la famille, et Germain, qui s’était dévoué tout entier à l’œuvre commune et, par conséquent, à celui qui la personnifiait, au père de famille, Germain ne comprenait pas qu’il eût pu se révolter contre de bonnes raisons, contre l’intérêt de tous.

Néanmoins il était triste. Il se passait peu de jours qu’il ne pleurât sa femme en secret et, quoique la solitude commençât à lui peser, il était plus effrayé de former une union nouvelle que désireux de se soustraire à son chagrin. Il se disait vaguement que l’amour eût pu le consoler, en venant le surprendre, car l’amour ne console pas autrement. On ne le trouve pas quand on le cherche ; il vient à nous quand nous ne l’attendons pas. Ce froid projet de mariage que lui montrait le père Maurice, cette fiancée inconnue, peut-être même tout ce bien qu’on lui disait de sa raison et de sa vertu, lui donnaient à penser. Et il s’en allait, songeant, comme songent les hommes qui n’ont pas assez d’idées pour qu’elles se combattent entre elles, c’est-à-dire ne se formulant pas à lui-même de belles raisons de résistance et d’égoïsme, mais souffrant d’une douleur sourde et ne luttant pas contre un mal qu’il fallait accepter.