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trop amoureux ou trop raisonnables aujourd’hui pour en avoir besoin, du moins sur les enfants et les adolescents. Le païen effraye et dégoûte tellement les jeunes filles, en courant après elles et en feignant de vouloir les embrasser, qu’elles fuient avec une émotion qui n’a rien de joué. Sa face barbouillée et son grand bâton (inoffensif pourtant) font jeter les hauts cris aux marmots. C’est de la comédie de mœurs à l’état le plus élémentaire, mais aussi le plus frappant.

Quand cette farce est bien mise en train, on se dispose à aller chercher le chou. On apporte une civière sur laquelle on place le païen armé d’une bêche, d’une corde et d’une grande corbeille. Quatre hommes vigoureux l’enlèvent sur leurs épaules. Sa femme le suit à pied, les anciens viennent en groupe après lui d’un air grave et pensif ; puis la noce marche par couples au pas réglé par la musique. Les coups de pistolet recommencent, les chiens hurlent plus que jamais à la vue du païen immonde, ainsi porté en triomphe. Les enfants l’encensent dérisoirement avec des sabots au bout d’une ficelle.

Mais pourquoi cette ovation à un personnage si repoussant ? On marche à la conquête du chou sacré, emblème de la fécondité matrimoniale, et c’est cet ivrogne abruti qui, seul, peut porter la main sur la plante symbolique. Sans doute il y a là un mystère antérieur au christianisme, et qui rappelle la fête des Saturnales,