Page:Sand - La Mare au Diable.djvu/101

Cette page a été validée par deux contributeurs.

bon à rien, et où il est indifférent de finir d’une manière ou d’une autre. Mais, moi, je ne suis pas dans le danger de mourir de faim sur mes vieux jours. Je suis à même d’amasser quelque chose puisque, vivant avec les parents de ma femme, je travaille beaucoup et je ne dépense rien. D’ailleurs, je t’aimerai tant, vois-tu, que ça m’empêchera de vieillir. On dit que quand un homme est heureux, il se conserve, et je sens bien que je suis plus jeune que Bastien pour t’aimer ; car il ne t’aime pas, lui, il est trop bête, trop enfant pour comprendre comme tu es jolie et bonne, et faite pour être recherchée. Allons, Marie, ne me déteste pas, je ne suis pas un méchant homme : j’ai rendu ma Catherine heureuse, elle a dit devant Dieu à son lit de mort qu’elle n’avait jamais eu de moi que du contentement, et elle m’a recommandé de me remarier. Il semble que son esprit ait parlé ce soir à son enfant, au moment où il s’est endormi. Est-ce que tu n’as pas entendu ce qu’il disait ? et comme sa petite bouche tremblait pendant que ses yeux regardaient en l’air quelque chose que nous ne pouvions pas voir ! Il voyait sa mère, sois-en sûre, et c’était elle qui lui faisait dire qu’il te voulait pour la remplacer.

— Germain, répondit Marie, tout étonnée et toute pensive, vous parlez honnêtement et tout ce que vous dites est vrai. Je suis sûre que je ferais bien de vous aimer, si ça ne mécontentait pas trop vos parents ;