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Quand on se remit en marche, je ne sais comment la chose s’était passée, mais j’étais dans la diligence et Brumières dans la calèche avec les dames, milord sur le siége avec la soubrette.

Cette soubrette est, par parenthèse, assez jolie, et, dans le peu de mots que j’avais échangés avec elle sur ce même siége de calèche, je lui avais trouvé la voix douce et un très agréable accent. Je lui avais laissé mon caban pour s’envelopper, car elle était peu vêtue pour affronter l’influenza, c’est-à-dire l’atmosphère de fièvre mortelle qui commence ici à la chute du jour et qui, comme le désert et le brigandage, règne jusqu’au mur d’enceinte de la ville des papes.

Le caban ne me revint en mémoire que lorsque cette jeune fille me le rapporta à la porte Cavalleggieri, où nous nous arrêtâmes tous pour exhiber une fois de plus nos passe-ports. Comme, pour reprendre mon vêtement, je tendais la main, j’y sentis avec beaucoup d’étonnement le baiser d’une bouche fraîche, et, avant que je me fusse rendu compte d’un fait si étrange, la soubrette avait disparu. Brumières, qui arrivait à moi, ne fit que rire de ma stupéfaction. « C’est une chose toute simple, me dit-il ; c’est la manière du pays pour dire merci, et cela ne vous donne pas le droit d’exiger davantage. » C’était plus que je n’aurais jamais songé à exiger d’une jolie femme.

On venait de visiter nos malles pendant une heure, lorsque le conducteur nous annonça que ceci n’était rien, et que nous allions subir une autre visite bien plus longue et bien plus minutieuse à la douane, mais qu’il pouvait nous en dispenser si nous voulions lui donner chacun deux pauls. Nous mourions de faim et nous donnâmes tous ; mais, quand nous fûmes à la douane, notre collecte ne servit de rien : le digne homme ne put s’entendre avec les douaniers. Un colloque, peu mystérieux et fort long, s’établit à deux pas de