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enleva la table, causant tout haut avec moi, faisant claquer ses sabots sans précaution sur le plancher sonore. Quand tout fut en ordre, elle cria dans l’oreille de son maître, qui, habitué à ce vacarme, ouvrit tranquillement les yeux sans tressaillir :

— Allons, monsieur l’abbé, on s’en va ! bonne nuit ! c’est l’heure de faire vos prières et de vous mettre au lit.

Elle me conduisit à la chambre que j’ai habitée pendant la moitié de ma vie, veilla à ce que je ne manquasse de rien, m’embrassa encore une fois, et monta, à grand bruit, à l’étage supérieur. Un quart d’heure après, tout dormait au presbytère, y compris votre serviteur, fatigué par les rudes chemins du pays et les durs raisonnements de l’abbé Valreg.

Le lendemain, c’est-à-dire hier, mon oncle voulut, à l’heure au souper, reprendre la discussion ; je vins à bout de reculer toute explication jusque vers neuf heures moins un quart, et je compte l’amener ainsi, avec un quart d’heure de dispute chaque soir, à s’habituer, sans secousse trop vive, à ma diabolique résolution.

Vous allez croire comme lui, peut-être, que j’ai quelque folie en tête, quelque projet de Sardanapale à l’endroit de mon capital de vingt mille francs. Il n’en est rien pourtant. Je n’ai d’autre projet que celui d’aller devant moi, et de ne pas me sentir esclave d’une situation consacrée par un serment.

13 février.

Mon oncle réalise mes prévisions. Il s’habitue à mes volontés d’indépendance, et se rassure un peu en me voyant raisonnable d’ailleurs. Puisque j’étais en train de récapituler mon passe pour vous, il faut que je continue et que je vous raconte comment m’est venu ce goût de la peinture sur