Page:Sand - La Daniella 1.djvu/349

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’une rare circonstance pour s’assouvir, et d’une servilité de valet comique dont, en ce moment, l’unique préoccupation était de me prouver ses talents culinaires.

— Mangez, mangez, Excellence, me disait-il ; vous aurez du café succulent pour digérer, car la Daniella m’a dit : « Surtout, soigne-lui son café ; il n’a pas d’autre gourmandise.»

Ce détail était si bien dans les habitudes de gâterie féminine de Daniella, que je me rendis tout à fait à la sincérité de Tartaglia, attestée d’ailleurs par la confiance et l’espèce d’amitié que le capucin lui témoignait. Il me restait bien une épine dans le cœur, en songeant que cette amitié était réelle et sérieuse chez Daniella, et je me sentais profondément humilié, non pas d’accepter les services de cet homme (je pouvais les payer un jour), mais de le voir immiscé dans les secrets de cœur de Daniella, et comme initié aux mystères de mon bonheur.

Je ne pus me retenir d’en témoigner quelque chose à frère Cyprien.

— Vous n’étiez donc pas là quand elle a fait cette chute ? lui demandai-je pendant que Tartaglia allait chercher le café.

— Eh ! vraiment, non, dit-il ; mais, quand même j’y aurais été, ce n’est ni moi, ni Olivia, ni ma sœur Mariuccia qui aurions pu nous charger de veiller sur vous et de vous empêcher de mourir de faim. Ces deux femmes sont trop surveillées dans ce moment-ci ; et, quant à moi, je suis un pauvre homme trop assujetti à la règle de son ordre. Croyez-moi, Tartaglia est l’ami qu’il vous fallait, et il ne sera jamais arrêté en venant vous voir, lui !

— Ah ! ah ! et pourquoi cela ?

— Je ne sais pas, mais c’est ainsi. Tout le monde le connaît, et il est bien avec tout le monde.