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cœur déborde, et j’ai comme un besoin de crier ma joie aux hirondelles qui passent sur ma tête et aux brises qui couchent les herbes sur les flancs des ruines. Mais je m’arrête, parce que je ne la sais pas, cette langue de l’infini qui me mettrait en rapport avec tout ce qui aime et respire dans l’univers. Le langage humain est court et grossier. Plus il s’alambique, plus il est cynique quand il veut raconter l’amour. L’amour ! Il n’a qu’un mot, j’aime ! et, quand il ajoute j’adore ! il ne sait déjà plus ce qu’il dit. Aimer est tout ; et ce qu’il y a de divin et d’ineffable dans cet acte immatériel de l’union des âmes, rien ne peut l’exprimer en plus ou en moins.

C’est qu’à un certain degré d’intensité de l’émotion, l’esprit rencontre un obstacle qui est comme le seuil du sanctuaire de la vie divine. Tu n’iras pas plus loin ! voilà ce qui a été dit au flot de notre passion terrestre ; au delà de certains cris de la céleste volupté, tu ne pourras plus rien dire ; car tu serais Dieu si tu savais manifester le sixième sens, et il faut rester ce que tu es.

Le soleil baisse, et je n’ai, d’ailleurs, plus le cœur à écrire. Quand l’heure approche où je vais la revoir, je ne me rends plus compte que d’une impatience dévorante. Mais la voilà, je l’entends ouvrir la porte de la cour.

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Ce n’était pas elle ! C’était un de ces bruits qu’il me faut étudier un à un avec soin pour en découvrir la cause. La grande caserne du fond de la cour laisse pleuvoir ses ardoises, qui, en se détachant avec leurs clous du bois pourri, grattent le toit avant de tomber. — Elle est venue tard : j’ai été bien inquiet. Enfin, la voilà, et, pendant qu’elle met notre couvert, je veux vous dire ce qui se passe dehors à propos de moi.

Olivia et Mariuccia sont revenues de Rome ; c’est pour