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donc jusqu’à moi, et j’ai eu le loisir, en vous écrivant, d’étudier cette musique produite par la rencontre fortuite des sons épars qui constitue, en chaque pays, ce que l’on pourrait appeler la musique naturelle locale.

Il y a des endroits comme cela qui chantent toujours, et celui-ci est le plus mélodieux où je me sois jamais trouvé. En première ligne, il faut mettre la chanson des grandes girouettes de la terrasse extérieure. Il est si régulièrement phrasé à son début, que j’ai pu écrire six mesures parfaitement musicales, lesquelles reviennent invariablement à chaque souffle du vent d’est, qui règne depuis ce matin. Ce vent procède, sur la première girouette, par une phrase de deux mesures plaintives à laquelle répond la seconde girouette par une phrase pareille de forme, mais d’une modulation plus triste ; la troisième continue le même motif, en le modifiant par un changement de ton très-heureux.

La quatrième girouette est cassée, par conséquent muette, ce qui est fort à propos, vu que son silence permet à la première de reprendre son thème dans le ton où il vient d’être porté par l’augmentation du vent ; alors, pour peu que la bouffée continue, les trois girouettes chantent une sorte de canon à trois voix qui est fort étrange et fort pénétrant, jusqu’à ce que le souffle qui les pousse tombe peu à peu et les ramène, par des intervalles inappréciables à nos conventions musicales, c’est-à-dire plus ou moins faux, à leur justesse première.

Ces girouettes pleurardes et radoteuses, avec leurs notes d’une ténuité impossible, sont comme les ténors aigus qui dominent l’ensemble. Je ne sais quel esprit de l’air les met d’accord avec le son des cloches des Camaldules ; mais il arrive, à chaque instant, que ces cloches leur font une très-belle harmonie. J’entends aussi, par moments, les phrases