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me dirait si ingénument sa supériorité en fait de ruse, je me méfierais d’elle pour mon compte ; mais, depuis que j’aime celle-ci, tout est changé en moi, tout est renversé dans mon esprit. Du moment que c’est elle qui ment, je trouve que le mensonge est une des grâces de son sexe.

Toutes choses réglées ainsi, je l’ai vue partir sans angoisse. Il me semblait que je ne la quittais pas : j’allais penser à elle tout le jour en travaillant.




XXIX


Mondragone, 12 avril.

Car il est bien temps de travailler, n’est-ce pas ? Depuis que j’ai mis le pied en Italie, je me délie les jambes et je me croise les bras. Il est temps aussi, non plus de savoir si j’aurai du talent, mais de songer à en acquérir. En tout cas, il faut que j’aie une industrie qui m’aide à me constituer une sécurité, un intérieur, une famille. Cette industrie pourra toujours être un gagne-pain, sans aucun honneur artistique ; c’est le pis-aller de la situation ; mais on doit se dégoûter d’un métier où l’on ne met pas tout l’effort de son être moral, et je veux, puisque la question de métier est jugée et acceptée par ma conscience, porter dans le mien tout l’idéal dont je suis capable, tout le feu que je dois puiser dans l’amour. Allons, allons ! oui : je dois à la femme qui m’a initié à la vie supérieure, de manifester cette vie par une distinction et une valeur quelconques. J’aurai donc du talent, il le faut, et ce problème de ma destinée et de ma pensée, qui me paraissait si effrayant à sonder, c’est une chose claire