Page:Sand - La Daniella 1.djvu/307

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Oh ! c’est signe de bonheur ! s’écria Daniella ; c’est signe que le foyer allumé par nous ici est béni et consacré !




XXVIII


Mondragone, 12 avril.

Cette veillée s’écoula comme un instant, et pourtant elle renferma pour nous un siècle de bonheur ; car, à un certain degré d’épanouissement, l’âme perd la véritable notion du temps. Et ne croyez pas, mon ami, qu’un amour sensuel et aveugle fasse de mon existence actuelle une pure débauche de jeunesse. Certes, Daniella est un trésor de voluptés ; mais c’est dans toute l’acception de ce mot divin qu’il faut l’entendre. Elle n’a, il est vrai, en dehors de la passion, qu’un esprit enjoué, prompt à la riposte dans une guerre de paroles taquines, et des notions assez fausses sur toutes les choses sociales, malgré ses excursions en France et en Angleterre, qui l’ont rendue beaucoup plus intelligente que la plupart de ses compagnes ; mais tout cela m’importe peu, et je ne vois plus en elle que cet être intérieur que moi seul connais et savoure, cette âme ardente jusqu’à la folie dans le dévouement exclusif, dans l’abandon fougueux et absolu de tout intérêt personnel, dans l’adoration naïve et généreuse de l’objet de son choix. C’est à la fois mon enfant et ma mère, ma femme et ma sœur. Elle est tout pour moi, et quelque chose de plus encore que tout. Elle a vraiment le génie de l’amour, et, parmi des préjugés, des enfantillages et des inconséquences qui tiennent à son éducation, à sa race et à son milieu, elle élève tout à coup son