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mon couvert aussi tranquillement et aussi gaiement que si c’eût été là une demeure comme une autre. Elle avait trouvé une table, elle avait apporté des bougies, du pain, du jambon, du fromage, des châtaignes, du linge et une couverture de laine. Le feu brillait dans la cheminée et faisait danser follement les fleurs et les oiseaux de la fresque. Le taudis avait un air de fête et un fond de propreté réjouissante. Je sentis une joie rendue plus vive par le moment de terreur que je venais d’éprouver. Émotions charmantes qui redoublez en nous l’intensité de la vie, je ne vous connaissais pas avant d’aimer ! Je ne songeai plus qu’à m’enfermer avec ma Daniella et à souper avec elle pour la première fois, en lui disant mille fois pour une : « Je t’aime, et je suis heureux !»

Il était déjà sept heures, et, tous deux, nous mourions de faim. Jamais chère ne me parut plus délicieuse que ce modeste souper.

— Laisse faire, disait Daniella, ceci n’est qu’un repas improvisé. Demain, je veux que tu sois mieux que tu ne l’étais chez lord B***, à Rome.

— Dieu me garde de ce bien-être qui te fait arriver ici embarrassée et chargée comme un facchino, et qui attirera l’attention sur ces allées et venues !

— Non, non ; dès que la nuit se fait, les grilles des deux parcs sont fermées, et aucun étranger n’y pénètre. Les fermiers et les gardiens rentrent chez eux pour souper, dormir ou causer. D’ailleurs, je ne m’amuse pas à suivre le stradone. Je me glisse par des taillis de buis et de lauriers où il est impossible d’être vu, et je pourrais même venir par là en plein jour sans aucun risque, comme je l’ai fait tantôt, comme je le ferai demain matin pour t’apporter des nouvelles de ton affaire, et un déjeuner avec du café !

Cette idée de café dans les ruines de Mondragone me fit