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Ne te l’ai-je pas dit, que j’étais à toi, corps et âme, pour toujours ?

— Non ! tu ne me l’avais pas dit !

— Je t’ai dit : Je t’aime ! et je te l’ai dit du fond de l’âme. Pour moi, toute ma vie est dans ce mot-là. S’il te faut d’autres serments, des témoins et des écritures, tout cela est si peu de chose en comparaison de ce que je sens en moi de force et de passion, que je ne veux même pas que tu m’en saches gré. Dis un mot, et je t’épouse demain, si c’est possible demain.

— Ce serait possible demain ; mais je ne le veux pas. Nous reparlerons peut-être de cela plus tard ; mais, maintenant, je veux avoir le mérite d’une confiance aveugle. Ne m’ôte pas l’orgueil de ma faute ! Nous avons fait un péché en nous passant de prêtre pour nous unir ; je le sais, et j’accepte pour pénitence le mal qui pourra m’en arriver de la part des hommes. Ce sera bien peu de chose, et je méritais d’être punie par ton mépris. Puisqu’au lieu de ce que j’attendais de toi, il arrive que tu m’estimes et me chéris pour ma faiblesse, je suis mille fois trop heureuse, et les autres peuvent bien me couper par morceaux sans que je m’en plaigne et sans que je fasse entendre un seul cri. La faute est commise, et ce n’est pas d’être mariée un jour ou l’autre qui m’empêchera d’être notée au livre de Dieu.

— Eh quoi ! ma bien-aimée, des terreurs et des remords !

— Non, non ! j’ai trop de bonheur pour sentir l’épine du repentir, et, dusses-tu me repousser ou me fuir demain, je ne pourrais pas regretter les deux jours qui viennent de m’être donnés. Qu’importe que l’on pleure dix ans si, en quelques heures, on a goûté plus de joies que toute une vie de malheur ne peut nous donner de souffrances ?

— Ah ! tu as raison, fille du ciel ! la souffrance est un fait humain qui peut s’évaluer et se mesurer : la joie, comme