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dant vis-à-vis l’une de l’autre. La vieille matrone, à figure austère, se livrant à ces chatteries d’enfant, était d’un comique achevé, qui ne faisait pourtant rire personne et qui ne déconcertait nullement Daniella. En regardant celle-ci, je ne sais quel frisson de jalousie me passa dans tout le sang. Je crois que, s’il y avait eu là quelque autre homme que moi, je lui aurais cherché querelle. Je ne sais pas si je pourrai jamais me résoudre à la voir danser ailleurs que dans son cénacle de petites filles. Elle est trop belle quand elle s’anime ainsi. Elle avait retroussé sa longue jupe brune, qui se drapait tout naturellement sur un court jupon de flanelle rouge assez rustique, mais d’un ton de coquelicot éblouissant. Le fichu blanc qui couvre ordinairement ses cheveux était relevé carrément, comme le capulet de linge des paysannes romaines, et les grandes pendeloques d’or de ses boucles d’oreilles sautillaient comme des feux follets sur les ondes lustrées de ses cheveux noirs.

Je ne vous dirai pas que sa danse est de l’art et de la grâce : c’est de l’inspiration et du délire, mais un délire sacré comme celui qu’éprouverait une sibylle ; c’est une verve et une énergie à faire trembler ; c’est un regard qui brûle, un sourire qui éblouit, et, tout à coup, des langueurs qui énervent. Quand elle eut dansé dix minutes, elle céda généreusement la place.

— Aux autres ! s’écria-t-elle en prenant le tamburello, qu’elle se mit à faire résonner avec une vigueur étrange.

Il n’y a rien de joli au monde comme le toucher rapide de ces petits doigts sur la peau rebondissante de l’instrument rustique. Elle ne le tient pas élevé au-dessus de sa tête et ne le frappe pas du dos de la main, comme on le fait ailleurs. Ici, les femmes tiennent le tambourin ferme, et le touchent comme si c’était un clavier. Le bruit qu’elles en tirent, en ayant l’air de l’effleurer, est formidable et marque un rhythme si accusé et si accentué que