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margelles disjointes des bassins taris et ensablés. Je suis encore plus heureux qu’hier, bien qu’hier cela ne me parût pas possible, bien que je n’eusse pas conscience, et cela pour la première fois de ma vie, de l’absence du soleil. Je ne m’en suis aperçu qu’en revenant à Frascati, en voyant l’herbe mouillée et le ciel noir. Ah ! qu’est-ce que cela me fait, à présent, qu’il y ait de la lumière et de la chaleur sur la terre ? J’ai mon soleil dans l’âme, mon foyer de vie est dans l’amour qui brûle en moi.

Ne soyons pas ingrat pourtant : le soleil de là-haut est un bel éclairage pour le splendide décor qui m’environne, et je vais chérir exclusivement cet endroit-ci, parce que je suis aussi près d’elle que possible. Je rêve à trouver le moyen de m’y établir le jour et la nuit. Comment cela se pourra-t-il ? Je ne sais. C’est, comme je vous l’ai dit, une ruine abandonnée ; mais il faudra réussir à m’y faire un nid.

C’est que, voyez-vous, la villa Taverna et la villa Mondragone sont situées dans le même parc. Toutes deux appartiennent à une princesse Borghèse qui ne songe pas à en faire deux lots séparés. De la villa Taverna, belle maison de plaisance à mi-côte, on suit un stradone, c’est-à-dire une vaste allée couverte d’arbres séculaires, si longue et si rapide, qu’il ne faut pas moins de vingt minutes pour la monter. Enfin, tout en haut et tout à coup, en tournant dans des bosquets sur la gauche, on se trouve devant une masse de constructions incompréhensibles : c’est Mondragone, villa immense et pleine de caractère, bien qu’elle n’ait rien d’imposant. Le style italien des derniers temps de la renaissance est toujours petit de proportions, quelle que soit sa dimension réelle, et l’œil s’y trompe absolument au premier aspect.

C’est dans cette vaste résidence déserte que je peux pé-