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organes, et surtout par ce sixième sens qui résume et dépasse tous les autres, ce sens intellectuel qui voit, entend et comprend un ordre de choses immuable, qui coopère sciemment à l’œuvre sans fin et sans limites de la vie supérieure, de la vie en Dieu !

Ah ! le positivisme, le convenu, le prouvé, le prétendu réalisme de la vie humaine dans la société ! Quel entassement de sophismes qui, à notre réveil dans la vie éternelle, nous paraîtront risibles et bizarres, si nous daignons alors nous en souvenir ! Mais j’espère que cette mémoire sera confuse, car elle nous pèserait comme un flux de divagations notées pendant la fièvre. J’espère que les seuls jours, les seules heures de cette courte et trompeuse existence dont il nous sera possible de nous souvenir, seront les jours et les heures où nous aurons ressenti l’extase de l’amour dans tout son rayonnement divin ! Ô mon Dieu ! je vous demande de me laisser, dans l’éternité, le souvenir de l’heure où je suis !




XXVI


Villa Mondragone, 10 avril.

Je reviens vous écrire aujourd’hui dans la même solitude où j’ai passé la journée d’hier à vous raconter l’événement de ma vie, la transformation de mon être. Seulement, hier, il faisait un temps affreux, et je vous écrivais assis sur des décombres, dans une des salles désertes et délabrées de ce noble manoir. Aujourd’hui, je suis en plein air, par un temps délicieux, dans un jardin abandonné, où de magnifiques asphodèles croissent librement sur les