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vis donc que j’étais au plus bas dans son estime, et cela me mit fort à l’aise.

Après le dessert, les deux Anglais restèrent à table, et je suivis les femmes au salon. Nous y trouvâmes Brumières et plusieurs Anglais des deux sexes, avec lesquels Medora se remit à blaiser et à siffler de plus belle dans la langue de ses pères.

— Eh bien ! me dit Brumières, vous avez vu le cousin ? Voilà un Bonington qui nous fait bien du tort !

— Parlez pour vous ; moi qui ne suis pas sur les rangs, je m’arrange très-bien de la présence du cousin.

— Ah ! vous persistez à soupirer pour la petite Frascatane ? Je crois, à présent, que j’aurais mieux fait de penser comme vous. Celle-là doit être moins cruelle et moins capricieuse.

Comme nous plaisantions depuis quelques instants sur ce ton, Brumières me menaçant de venir à Frascati me taquiner, et moi affectant la plus superbe indifférence pour toutes les beautés de l’Angleterre et de l’Italie, le nom de Daniella, prononcé par lui un peu trop haut, parvint jusqu’à l’oreille de miss Medora, et je la vis tressaillir comme si elle avait été piquée d’une guêpe. Une minute ne s’était pas écoulée, qu’elle était auprès de nous, dans notre coin, daignant se montrer fort aimable, à seule fin de ramener adroitement la conversation sur le compte de la pauvre stiratrice. J’éludais de mon mieux ses questions sur l’emploi de mou temps et de mes pensées dans la solitude de Frascati ; mais le perfide Brumières, toujours soigneux de me rendre haïssable, eut l’art de seconder la belle Anglaise, si bien que la question me fut carrément posée par elle :

— Avez-vous revu ma femme de chambre, à Frascati ? Il y avait, dans l’accent dont cela fut dit, tant d’aigreur et de dédain, que j’en sentis la morsure et répondis avec un em-