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une chambre dans la maison où Daniella est établie ; mais personne n’entre jamais dans cette chambre, et, si l’on frappe à la porte, qu’il y soit ou non, il ne répond jamais. Ses absences et ses apparitions sont tout à fait imprévues. Il est toujours censé boire en secret dans quelque cabaret du lieu ou des environs, avec des amis. C’est une habitude de cachotterie qu’il a prise pour échapper aux réprimandes de sa femme, et qu’il a gardée depuis qu’il est veuf ; mais sa femme disait autrefois qu’il devait cacher ses orgies dans quelque souterrain inconnu, dans quelque lieu inaccessible, car elle l’avait maintes fois cherché des semaines entières, jusque dans les égouts de la ville, sans retrouver aucune trace de lui. Quand il reparaissait, il lui échappait des paroles qui pouvaient faire croire qu’il venait de loin ; mais, quelque pris de vin qu’il fût ou qu’il parût être, jamais son secret ne s’était formulé clairement. Il a exercé dans sa jeunesse la profession de corroyeur ; mais, depuis une dizaine d’années, il n’a fait œuvre de ses bras, et on ne sait de quoi il a vécu.

— Il faut pourtant, ajoute la Mariuccia, qu’il ait plus que le nécessaire, puisqu’il trouve moyen de boire plus que sa soif.

D’après tous ces renseignements, je soupçonne ce galantuomo d’être un faux ivrogne, ou de s’adonner à la boisson dans ses moments perdus. Je pense que le fond de son existence est le brigandage ou l’espionnage ; peut-être l’un et l’autre, car il paraît qu’autour de Rome ces deux professions ne sont pas incompatibles.

Ce qui m’importait plus que tout ceci, c’était de savoir si la Daniella se croirait suffisamment relevée de son vœu pour reparaître à Piccolomini, et je l’attendais avec une vive impatience. Chaque fois que sonnait la cloche de la grille, je courais à ma croisée ; mais c’était une suite de visites de commères ou de voisines, qui venaient s’entretenir avec la