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qui lui plaît, et, quand on est riche, je ne comprends pas qu’on vive seul.

— Je vous ai dit que j’étais pauvre.

— Pauvre avec des habits de drap, de bons souliers et des chemises fines ? Si j’avais de quoi acheter ce que vous avez là sur le corps, je garderais mon argent pour avoir un lit. Quand on a le lit, on est vite marié. Si vous couchiez, comme moi, en toute saison sur la paille, je vous permettrais de dire que vous êtes forcé de rester garçon. Tenez, regardez ce désert, nous n’y sommes que trois, et deux de nous sont forcés à la solitude !

Je suivis la direction de mon regard, et je vis un moine noir et blanc qui traversait le théâtre de Tusculum.

— Celui-ci, reprit le pâtre, est esclave de son vœu, comme je suis esclave de ma pauvreté. Vous, vous êtes libre, et ce n’est ni au moine ni à moi de vous plaindre. Mais voilà que le soleil baisse. La bergerie est loin ; il faut que je vous quitte. Reviendrez-vous ici ?

— Certainement, quand ce ne serait que pour causer avec vous. Comment vous nommez-vous, pour que je vous appelle, si vous êtes dans une de ces gorges ?

— Je m’appelle Onofrio. Et vous ?

— Valreg. Au revoir !

Nous nous serrâmes la main et je redescendis vers le théâtre, regardant l’attitude pensive du moine qui s’était arrêté au milieu des ruines. Le coucher du soleil était admirable. Ces terrains, à coupures brusques et à plateaux superposés couverts de verdure, prenaient des tons éblouissants éclairés ainsi de reflets obliques. Les courts gazons brillaient tantôt comme l’émeraude et tantôt comme la topaze. Au loin, la mer était une zone d’or pâle sous un ciel de feu clair et doux. Les montagnes lointaines étaient d’un ton si fin, qu’on les eût prises pour des nuages, tandis que les déchi-