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Je m’y assis un instant pour me rendre compte, ou plutôt pour me rendre maître d’une émotion si soudaine et si vive ; car je me ferais en vain illusion, chaque minute qui s’écoule accélère les battements de mon cœur, et, désir ou affection, sympathie ou caprice, je me sens envahi par quelque chose d’irrésistible.

Je vins à bout, cependant, de me raisonner. Si c’était là, en effet, la résidence de la stiratrice et que cette jeune fille fût honnête, devais-je m’engager plus avant dans une visite qui pouvait lui attirer des chagrins ou des dangers ? Et, si elle n’était qu’une vulgaire intrigante, qu’allais-je faire en donnant, bien que dûment averti, tête baissée dans un guêpier ? De toutes manières, la raison me disait de fuir avant que les commères du voisinage m’eussent aperçu.

Je m’arrêtai à une solution passablement absurde, qui était d’explorer consciencieusement l’intérieur de cette grande vilaine bâtisse, où je supposais que la pimpante soubrette de miss Medora devait habiter quelque affreux bouge. Quand j’aurai surpris là, pensai-je, la hideuse malpropreté qui m’a fait reculer devant des maisons de meilleure apparence, je serai si bien guéri de ma fantaisie, qu’elle ne mettra plus en péril ni le repos de cette fille ni le mien.

Je quittai donc la plate-forme ; je rentrai dans l’intérieur ; je commençai à gravir l’escalier, qui, jusque-là, n’était, en effet, qu’un passage public, c’est-à-dire une servitude commune à huit ou dix maisons adjacentes, posées trop au bord de l’escarpement pour avoir d’autre issue.

L’escalier, tout en moellons, dont plusieurs portaient des traces d’inscriptions romaines, devenait de plus en plus rapide, étroit et sombre. De temps en temps, je rencontrais un palier ou une échelle conduisant à des portes cadenassées. Plusieurs c’étaient en si mauvais état, que je pus regarder à travers : c’étaient des chambres hideuses, meublées