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pas vous faire, en pareille circonstance, le serment que vous me faites si résolument.

— Alors, gardez vos soupçons. Que voulez-vous que j’y fasse ?

— Non ! non ! j’accepte votre parole ! Je la tiens pour sacrée quant à présent ; mais songez que, d’un jour à l’autre, vous pouvez regretter de me l’avoir donnée !

— Pourquoi, et comment cela ?

— Eh ! mon Dieu ! on ne sait ce qui peut se passer dans la cervelle d’une jeune fille aussi exaltée que Medora le paraît dans de certains moments. Si elle concevait pour vous… une fantaisie, je suppose ; si elle vous avouait un préférence…

— En sommes-nous là ! lui dis-je pour couper court à des suppositions qui m’embarrassaient un peu : venez-vous, rival débonnaire, me signaler les dangers, c’est-à-dire les avantages de ma situation ?

Brumières sentit la crainte du ridicule et s’empressa de me rassurer ; mais, au retour, tout le long du chemin, il ne put se défendre de revenir sur ce sujet, et j’eus bien de la peine à me préserver des questions directes ; questions auxquelles je n’aurais pas hésité à répondre par autant de mensonges effrontés. Cette éventualité me prouve bien que la vérité absolue n’est pas possible quand il s’agit de femmes.

Je vins à bout de calmer Brumières par une vérité, qui est la déclaration obstinée de mon absence de penchant pour Medora. Mais, quand cela fut bien posé, sa satisfaction se changea en un certain dépit contre l’insulte que ce dédain faisait à son idole, et il épuisa toutes les formules de l’admiration pour me prouver que j’étais aveugle et que je me connaissais en femmes comme un croque-mort en baptêmes.