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— Eh bien, tant mieux, Daniella ! Je suis charmé d’avoir ce risque à courir pour vous prouver…

— Que vous n’êtes pas poltron ? Ça ne prouve pas autre chose ! Il me faut une certitude de votre amour en échange de mon honneur.

— Ah ! ma chère, m’écriai-je impatienté, voilà deux fois que vous prononcez ce gros mot ; ne le dites pas une troisième, car tout serait fini entre nous.

Elle me regarda avec surprise ; puis, haussant les épaules :

— Je comprends, dit-elle, vous n’y croyez pas ? Et pourquoi n’y croyez-vous pas ?

— Ne vous fâchez pas ! Si je savais ce que vous entendez par là, peut-être y croirais-je.

— Il n’y a pas deux manières de l’entendre. Une fille qui aime hors de la pensée du mariage est déchue. Tous les hommes se croient le droit de lui demander d’être à eux, et si elle leur résiste, ils la décrient et l’insultent.

— Vous me parlez, ma chère, comme si vous n’aviez jamais appartenu à aucun homme. S’il en était ainsi, je vous donne ma parole d’honneur que je ne chercherais point à être le premier.

— Et pourquoi cela ?

— Parce que je suis trop jeune et trop pauvre pour devenir votre soutien, dans le cas où notre amour prendrait de la durée ; et parce que, s’il n’en devait point avoir, je me reprocherais de nuire à une personne qui m’a donné des soins et témoigné de l’amitié.

— C’est bien, dit-elle après avoir réfléchi ; et, quand elle réfléchit ainsi, sa figure, hardie et sensuelle, prend une singulière expression d’énergie. Puis elle se leva et se mit en devoir d’enlever le couvert pour rompre notre entretien. Je voulus le renouer ; elle secoua la tête en silence et descendit légèrement l’escalier du jardin. J’eus fort envie de l’y