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— Sur l’honneur, je ne l’aime pas ! À présent, m’aimez-vous ?

— Oui, dit-elle avec résolution, mais en s’échappant de mes bras. Cependant, écoutez ce que je veux vous dire encore.

— Je le sais, lui dis-je avec humeur ; vous voulez que je vous épouse ?

— Non ! je ne veux pas me marier sans avoir éprouvé la constance de mon amant et la mienne pendant plusieurs années ; et, comme à cet égard vous ne me promettez rien, comme je ne veux rien vous promettre non plus, je ne songe pas avec vous au mariage.

— Alors, qui vous fait hésiter ?

— C’est que vous ne m’avez pas encore dit que vous m’aimez.

— D’après votre définition de l’amour, qui est d’être l’un à l’autre, nous ne pouvons pas encore nous aimer l’un l’autre.

— Oh ! attendez, signor mio ! s’écria-t-elle en m’enveloppant de son regard limpide, comme d’un flot de volupté, mais en me retirant ses mains que j’avais prises par-dessus la table. Vous êtes subtil, et je ne suis pas sotte. Au point où nous en sommes, s’aimer, c’est avoir envie de s’aimer. Il faut que le désir soit grand de part et d’autre. Celui d’une femme n’est jamais douteux, puisqu’elle y risque son honneur. Celui d’un homme peut bien n’être qu’un petit moment de caprice, puisqu’il n’y risque rien.

— Il paraît pourtant que j’y risque ma vie, si ce que vous m’avez dit de votre frère et de vos autres parents est vrai ?

— C’est malheureusement très-vrai. Mon frère, presque toujours ivre ou absent, ne me surveille pas ; mais, qu’une méchante langue lui monte la tête, il peut vous assassiner.