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d’épouser le premier homme délicat qui l’aimerait sans le lui dire. Pourquoi s’est-elle imaginé que j’étais cet homme-là, moi qui ne l’aimais pas du tout ? Ou elle a le ridicule de se croire irrésistible, ou il y a là-dessous l’intrigue impertinente de Tartaglia, qui a eu plus d’effet que je ne pensais.

Quoi qu’il en soit, me voilà loin de Rome, par un temps à ne pas mettre un chien dehors, et, dans quelques jours, quand mes forces seront revenues, s’il y a encore péril en la demeure comme disent les légistes, je me sauverai plus loin encore.

Mais ne trouvez-vous pas que ma terreur de casto Giuseppe, comme dit Tartaglia, dont je vous épargne les dernières remontrances, est d’une fatuité ridicule ?

À propos de Tartaglia, je dois vous dire que le drôle m’a soigné paternellement, et que, maître de fouiller dans mes effets à toute heure, il a pleinement justifié ce que lord B*** me disait de lui : « C’est un vrai gredin, capable de vous arracher, par prières ou par intrigue, votre dernier écu ; mais c’est un valet fidèle, incapable de vous dérober une épingle si vous n’avez pas l’air de vous méfier de lui. En Italie, beaucoup de gens de cette classe sont ainsi faits : ils pillent ceux qu’ils détestent ; ils se font un plaisir de dévaliser ceux qui veulent lutter de finesse pour se garantir ; mais ils voleraient volontiers, pour enrichir ceux qui, par leur confiance absolue, obtiennent leur amitié. Ayez des serrures Fichet à vos coffres ; cachez votre bourse dans les trous de mur les plus invraisemblables : ils déjoueront toutes vos ruses. Laissez la clef à la porte et l’argent sur la table, ce sera chose sacrée pour eux. »

« Ce vaurien a donc du bon comme tons les vauriens… de même que tous les gens vertueux ont un coin de perversité. » C’est toujours lord B*** qui parle, et je vous fais grâce