Page:Sand - La Daniella 1.djvu/180

Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’en tremblant, effrayés du déchaînement des cataractes autant que des oracles du destin.

Aujourd’hui, c’est un lieu de délices. Ces tapis de violettes et ces buissons de myrtes par lesquels on descend mollement et sans danger jusqu’au milieu de cette grande scène ; ce torrent diminué qui ne menace plus personne et qui n’a gardé de sa fureur que ce qu’il en faut pour donner une émotion puissante sans lassitude et sans anéantissement ; cette grotte, dont les rudes anfractuosités s’embellissent de guirlandes de lierre et de chèvrefeuille, et qui, percée de larges crevasses, vous laisse voir, comme à travers un cadre, les profondeurs d’un paysage magique, tout cela exerça sur moi un magnétisme étrange, et j’ai rêvé là un bonheur que je demande pour paradis au Dieu bon. Oui, ce creux de rochers, d’eaux agitées et de plantes vigoureuses, avec du soleil et un air salubre, si c’était possible ; une grotte pour abri et une femme selon mon cœur, et je consens à être prisonnier sur parole durant l’éternité.

Ma contemplation était si douce et mon corps si fatigué, que je m’endormis comme lord B*** avait voulu s’endormir la veille, au bruit de la cataracte. Quand je m’éveillai, Tartaglia était auprès de moi.

Vous avez tort de dormir là à l’humidité, me dit-il. Il y a de quoi être malade.

Il avait raison : je me sentais mal partout. J’eus peine à remonter au temple. Chemin faisant, Tartaglia, qui était retourné la veille à Rome, m’apprit qu’il venait me chercher avec une voiture par l’ordre de la Medora.

— C’est fort bien, lui répondis-je ; tu vas t’en retourner comme tu es venu. Je compte rester ici huit ou dix jours.

— Vous n’y songez pas, mossiou. Vous êtes dans l’endroit le plus malsain de l’Italie, et vous allez y mourir. Prenez