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et infructueuse. Il y avait, dans la simplicité de son élocution, une netteté douce et comme une habitude de distinction qui ne sentaient pas trop le village. Enfin, bien qu’en effet il ne sût peut-être rien, il n’était étranger à rien, et me paraissait apte et prompt à tout comprendre.

— Vous avez raison, me dit-il en me quittant ; mieux vaudrait le suicide réel que le suicide de l’âme par nonchalance et par poltronnerie. Je manque d’un grand désir de vivre ; mais je ne suis pourtant pas dégoûté maladivement de la vie, et je sens que, ne voulant pas m’en débarrasser, je dois l’utiliser selon mes forces. Le scepticisme du siècle était venu me blesser jusqu’au fond de nos campagnes. Je m’étais dit que, entre l’ambition des vanités de la vie et le mépris de toute activité, il n’y avait peut-être plus de milieu pour les enfants de ce temps-ci. Vous me dites qu’il y en a encore. Eh bien, je chercherai, je réfléchirai, et, quand, avec cette espérance, je me serai de nouveau consulté, je reviendrai vous voir.

Il passa cependant six mois à Paris sans prendre aucun parti et sans vouloir me reparler de lui-même. Il venait souvent chez nous, il était de la famille ; il nous aimait et nous l’aimions ; car nous avions promptement découvert en lui des qualités essentielles, une grande droiture, de la discrétion et de la fierté, de la délicatesse dans tous les sentiments et dans toutes les idées, enfin quelque chose de calme, de sage et de pur, je ne dirai pas au-dessus de son âge, car cet âge devrait être, dans les conditions normales de la vie, une sereine éclosion de ce que nous avons de meilleur dans l’âme, mais au-dessus de ce que l’on pouvait attendre d’un enfant livré de si bonne heure à sa propre impulsion.

Ce qui me frappait particulièrement chez Jean Valreg, c’était une modestie sérieuse et réelle. Cette première jeunesse est presque toujours présomptueuse par instinct ou