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Je lui racontai comme quoi la forêt du Tasse s’était présentée à mon imagination, et comment son apparition, à elle, avait coïncidé avec le souvenir de ces enchantements bénévoles.

— C’est-à-dire que vous m’avez comparée tout bonnement à une sorcière ! Il ne faut pas que je m’en plaigne, puisque décidément il faut avoir cet air-là pour vous plaire.

— Où prenez-vous cette singulière assertion sur mon compte ?

— Dans votre enthousiasme pour la vivandière de l’Agua argentina. La seule créature de mon sexe qui vous ait ému depuis votre arrivée à Rome, a été qualifiée par voue de sibylle.

— Alors, vous pensez que je cherche à établir une comparaison, sur le terrain de la magie, entre vous et une pauvre septuagénaire ?

— Que dites-vous là ? s’écria-t-elle en raidissant ses doigts effilés sur mon bras ; c’était une femme de soixante et dix ans ?

— Tout au moins ! Ne l’ai-je pas dit, en faisant la description de ses charmes ?

— Vous ne l’avez pas dit… Pourquoi ne l’avez-vous pas dit ?

Cette brusque interrogation, faite d’un ton de reproche, me laissa stupéfait au point de ne savoir quoi répondre. Elle m’en épargna le soin en ajoutant :

— Et la Daniella ? Que dites-vous de la Daniella ? N’a-t-elle pas aussi un petit air de sorcière ?

— Je ne m’en suis jamais avisé, répondis-je ; et, en tout cas, je n’y tiendrais pas essentiellement pour la trouver jolie.

— Ah ! vous convenez que celle-ci vous plaît ? Je le disais bien, il faut être laide pour vous plaire !