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avait pris les devants, et que j’avais oubliée, m’apparut tout à coup à un détour de la montée, sortant d’un de ces fantastiques oliviers creux où elle s’était amusée à se cacher. Je tressaillis de surprise, et elle s’élança vers moi, aussi gaie, aussi rieuse que si elle n’eût jamais eu de vapeurs. Elle était vraiment plus belle que je ne lui avais encore accordé de l’être. Un trop grand soin, que je ne peux m’empêcher d’attribuer à un trop grand amour de sa personne, me la gâte presque toujours. Elle est toujours trop habillée, trop bien coiffée, et d’un ton trop reposé, trop inaltérable. C’est une beauté de nacre et d’ivoire, qui change sans cesse de robes, de bijoux et de rubans sans que sa physionomie change jamais, et c’est de bonne foi, je vous assure, que j’ai dit souvent à Brumières que cette invariable perfection m’était insupportable.

En ce moment, elle était toute différente de sa manière d’être habituelle. Les larmes avaient un peu creusé ses beaux yeux, et ses joues, animées par la course, étaient d’un ton moins pur et plus chaud que de coutume. Il y avait enfin de la vie et comme de la moiteur sur sa peau et dans son regard. Elle avait perdu son peigne en courant. J’ignore si elle avait mis sa fausse tresse dans sa poche ; mais elle avait encore une assez belle chevelure pour se passer d’artifice et pour encadrer magnifiquement sa tête. Ce n’était plus cet inflexible diadème lissé comme du marbre noir sur un front de marbre blanc. C’était une auréole de vrais cheveux, souples et fins, voltigeant sur une chair rosé frémissante.

Probablement elle vit dans mon regard que je lui faisais amende honorable, car elle vint à moi amicalement, et passa son bras sous le mien avec une familiarité bien différente de ses dédains accoutumés, en me demandant à quoi je pensais et pourquoi j’avais eu l’air si surpris en la voyant sortir de son arbre.